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CHIRURGIE DES CANCERS DES ORGANES GENITAUX EXTERNES : Chirurgie des tumeurs du pénis

Auteurs : Christophe AVANCES, Cyril BASTIDE Référence : Prog Urol, 2005, 1031 Mots clés : Cancer, Pénis, Technique chirurgicale

I. Rappel anatomique [8]

Le pénis est constitué de 3 cylindres formant les corps érectiles : les 2 corps caverneux, et le corps spongieux. Il est divisé en 2 parties : une partie fixe, la racine de la verge, et une portion mobile. Les corps caverneux insérés sur les branches ischio-pubiennes sont fixés à la partie inférieure de la symphyse pubienne par le ligament suspenseur de la verge. Ils sont enveloppés dans une gaine de collagène, l’albuginée. Le corps spongieux est situé à la face ventrale du pénis. Il entoure l’urètre et se prolonge dans le gland à son extrémité distale.

Les corps érectiles sont entourés de fascias.

– Le fascia profond (fascia de BUCK) entoure les corps caverneux et le corps spongieux, et est fixé au diaphragme uro-génital. Il fusionne avec l’albuginée des corps érectiles au niveau du sillon balano-préputial, et aucun clivage chirurgical n’est possible à ce niveau. Cette caractéristique anatomique interdit toute chirurgie conservatrice si la lésion y siège

– Le fascia superficiel (fascia de COLLES) est en continuité avec le fascia de SCARPA de l’abdomen et le dartos du scrotum.

– La peau du pénis est très fine et élastique, et il n’y a pas de tissu graisseux sous cutané.

Les artères de la verge viennent des artères pudendales, branches des hypogastriques. Les artères caverneuses pénètrent dans les corps caverneux au niveau du hile de la verge. Les artères bulbo-urètrales donnent la vascularisation du corps spongieux et du gland. La ou les artères dorsales se situent dans le sillon supérieur des corps caverneux sous le fascia de BUCK.

Les veines de la verge. Il existe 3 systèmes de drainage :

– Un drainage superficiel formé de nombreuses veines situées entre les fascias de BUCK et de COLLES. Elles se réunissent pour former la veine dorsale superficielle qui se draine dans la veine saphène.

– Un drainage intermédiaire qui va donner la veine dorsale profonde située à la partie dorsale de la verge sous le fascia de BUCK. Elle se draine dans le plexus péri prostatique.

– Un drainage profond qui est formé par les veines caverneuses qui se drainent au niveau du hile de la verge vers les veines pudendales internes.

II. Principes généraux

Les tumeurs de la verge sont souvent infectées, et une antibioprophylaxie à large spectre est systématique. Le spectre antibactérien doit couvrir le staphylocoque, les enterobactéries et les corynébactéries. Le choix d’une fluoroquinolone parait être le plus adapté (accord d’expert).

En dehors de la chirurgie conservatrice, une préparation cutanée rigoureuse et une tonte pubienne pré-opératoire immédiate sont nécessaires.

Les indications précises des différents gestes reposent sur les recommandations récentes [11]. Elles prennent en compte:

– les caractéristiques tumorales: fixation aux plans sous jacents, résultats des biopsies profondes

– la localisation tumorale

– longueur fonctionnelle du pénis

– le terrain : sexualité, diabète, anticoagulants

L’étude anatomopathologique extemporanée, si elle est nécessaire (en particulier pour les marges), aura été prévue à l’avance.

L’information du patient est assurée par le chirurgien après concertation multidisciplinaire lors de la consultation de présentation du projet personnalisé de soin.

III. Chirurgie conservatrice

1. objectifs

Les contraintes de la chirurgie conservatrice sont anatomiques et carcinologiques [1]. Cette technique s’adresse aux lésions préputiales ou aux lésions non infiltrantes, bien ou moyennement différenciées (TA-T1, G1-2) du fourreau.

Une marge chirurgicale de sécurité doit être respectée autour de la lésion mais aussi en profondeur. La marge minimale péri tumorale est de 8 mm [3]. La résection doit emporter en profondeur le fascia superficiel en regard du lit tumoral.

La chirurgie conservatrice est contre indiquée :

– pour les lésions du sillon balanopréputial (absence de plan de clivage avec l’albuginée)

– pour des lésions méatiques (risque d’extension vers la fossette naviculaire et l’urètre)

– pour les lésions de taille de plus de 3 cm (marges péritumorales insuffisantes)

2. Points fondamentaux

La chirurgie conservatrice du pénis comprend les gestes d’exérèse (tumorectomie, circoncision ou plus exceptionnellement la technique de Mohs1) et les traitements par laser.

Une analyse anatomopathologique extemporanée n’est pas indispensable dans la plupart des cas (concordance limites macroscopiques / examen microscopique dans plus de 90 % des cas) [5].

Le patient est prévenu des possibilités de cicatrices rétractiles ou de déformation temporaire du gland.

3. Les gestes

Le patient est installé en décubitus dorsal, jambes légèrement écartées. L’intervention est menée sous anesthésie générale, loco-régionale ou parfois locale. Le sondage urétral n’est pas obligatoire. Le drapage inclus uniquement le corps de la verge.

a) Biopsie exérèse, circoncision

Si la lésion siège sur le prépuce, une circoncision est réalisée. Les techniques de section cutanéo-muqueuse en masse sont proscrites afin de respecter les marges de sécurité. Une technique à double incision est préférable. Le tracé des incisions peut être repéré au stylo dermographique. L’incision cutanée respecte une forme de V en regard du frein du prépuce et s’étend jusqu’au fascia superficiel de la verge qui est emporté. L’incision muqueuse sous coronale est rectiligne. Le manchon cutanéo muqueux circonscrit est divisé à distance de la tumeur, puis séparé de l’albuginée sous jacente. La suture cutanéo muqueuse est assurée par des points séparés de fil résorbable 4/0 [7].

Si la lésion siège sur le fourreau une biopsie exérèse est réalisée. L’incision est ellipsoïde et de grand axe transversal par rapport à celui de la verge. Cet artifice permet de limiter le risque de cicatrice rétractile, et simplifie sa correction éventuelle par une plastie en Z. La suture est réalisée par des points séparés de fil résorbable 4/0.

Si la lésion siège sur le gland la résection emporte la muqueuse et du tissu érectile spongieux sous jacent. La suture du corps spongieux s’effectue par des points séparés inversant de fil résorbable. La déformation occasionnée disparaît en quelques mois avec le processus cicatriciel. Si la lésion est proche du méat urétral, une sonde peut être mise en place pour limiter le risque de rétention post opératoire sur méatite.

La pièce est orientée et décrite précisément sur la fiche anatomopathologique.

b) Traitement par laser [10, 14]

Par rapport aux gestes d’exérèse, il existe des contre-indications inhérentes à la technique elle même: locale (lésions du prépuce), générale compte tenu du risque de surinfection (immuno dépression, obésité, diabète).

La délimitation de la zone à traiter s’effectue par application locale d’acide acétique à 5 % [2]. L’intervention débute par une excision de la partie tumorale exophytique. La résection peut être effectuée au bistouri froid [15] ou au laser CO2 [2] utilisé à une puissance moyenne de 20 Watts, en respectant une marge de sécurité minimale de 5 mm [14].

Le lit tumoral est ensuite vaporisé au laser Nd :YAG utilisé à une puissance de 40 à 60 Watts [15]. La profondeur de la coagulation ainsi obtenue s’étend jusqu’au chorion sous jacent.

IV. Pénectomie partielle

1. objectifs

Cette intervention concerne principalement les lésions infiltrantes distales du fourreau. Elle impose le respect de règles précises:

– des marges de sécurité suffisantes,

– la vérification par un examen extemporané des limites de section,

– une longueur résiduelle de pénis d’au moins 3 cm pour permettre au patient d’uriner en position debout en dirigeant le jet. Dans le cas contraire, une urèthrostomie périnéale doit être réalisée [cf infra].

2. Points généraux

Le patient aura été prévenu des 2 complications spécifiques de ce geste: le raccourcissement du pénis et son impact probable sur sa sexualité, mais surtout la possibilité d’une sténose du méat, complication secondaire la plus fréquente. Il est conseillé de prévenir le patient de la possibilité et des modalités d’une auto-dilatation éventuelle.

3. Les gestes

L’intervention peut se faire sous anesthésie générale ou sous anesthésie loco-régionale.

Le patient est installé en décubitus dorsal. La tumeur est isolée du reste du champ opératoire par un doigt de gant stérile, ce qui réduit le risque de contamination du champ opératoire. Pour limiter le saignement un garrot peut être mis en place à la racine de la verge.

L’incision est circonférentielle. Il n’est pas nécessaire de faire un lambeau dorsal qui n’apporte rien sur le plan cosmétique. Classiquement une marge de 2 cm était recommandée [7], mais il semble qu’une marge plus limitée soit suffisante sans compromettre le résultat carcinologique [6]: 10 mm en cas de grade 1 ou 2, mais 15 mm pour les lésions de grade 3 [13].

Les veines superficielles sont cautérisées et la veine dorsale superficielle liée avec un fil résorbable 4/0, le facial de Buck est ensuite incisé. Les artères et la veine dorsale profonde sont incisées après ligature au fil résorbable 4/0. Les corps caverneux sont ensuite sectionnés 1/2 cm en amont de l’incision cutanée, L’hémostase des artères caverneuses est faite au fil résorbable 4/0. Le corps spongieux est ensuite mobilisé sur 1 cm en aval de la section des corps caverneux puis sectionné.

La pièce est repérée puis confiée à l’anatomopathologique pour l’analyse extemporanée des marges de résection.

Il n’y a pas de consensus sur le mode de fermeture des corps caverneux. Il semble que la pratique la plus commune soit une fermeture horizontale par des points en U prenant le septum médian. L’hémostase est complétée à la demande après ablation du garrot. La peau est fermée verticalement de la base de la verge vers son extrémité par des points séparés de fil résorbable 4/0. L’urètre est spatulé sur 1/2 cm puis suturé à la peau d’une façon circonférentielle par des points séparés de fil résorbable 4/0.

Une sonde de Foley CH 16 est mise en place. Elle sera retirée au bout de quelques jours. Un bandage compressif est placé autour de la verge.

Les complications précoces les plus fréquentes sont les hématomes et l’infection de la plaie opératoire. L’hémostase doit être méticuleuse et l’antibiothérapie poursuivie pendant quatre à cinq jours.

V. Pénectomie totale

1. objectifs

Cette intervention mutilante est indiquée pour des cancers infiltrants du corps ou de la racine de la verge. Lorsqu’une atteinte scrotale est constatée, une émasculation est nécessaire. Dans certains cas, l’indication peut être fonctionnelle (longueur de verge résiduelle inférieure à 3 cm).

2. Points généraux

Le patient aura été prévenu des conséquences fonctionnelles du geste (en particulier de l’uréthrostomie périnéale) et des principales complications du geste (hématomes, surinfection, sténose méatique).

De même, il aura été prévenu du risque d’émasculation en cas d’infiltration scrotale.

Des marges d’au moins 20 mm sont nécessaires et un contrôle anatomopathologique extemporané doit être réalisé sur les tranches de section caverneuses et spongieuses.

Lorsque le traitement de la lésion implique une large perte de substance (résection étendue d’une tumeur de la base du pénis envahissant le scrotum, l’intervention peut être menée en double équipe (urologue et chirurgien plasticien) pour la réalisation d’un lambeau myocutané de couverture.

La préparation cutanée impose une tonte pubienne, scrotale et périnéale la vieille de l’intervention ou un rasage en pré opératoire immédiat.

3. Les gestes

a) Installation

Le patient est installé en position de la taille. La tumeur est isolée du reste du champ opératoire par un doigt de gant stérile fixé à la verge par des fils, ce qui réduit le risque de contamination du champ opératoire [1, 5, 9].

Le drapage ménage un abord hypogastrique et périnéal. L’anus est exclu du champ opératoire. Le tracé des incisions peut être repéré au stylo dermographique.

b) La pénectomie par double abord [1, 9]

Cette technique permet une exposition caverneuse proximale optimale. Par conséquent, elle est plus adaptée aux tumeurs de la racine de la verge. Elle necessite un abord périnéal et un abord sous pubien.

L’incision périnéale est semi circulaire. Elle comporte un trait de refend vertical sur le raphé médian en direction du scrotum. Le fascia de Colles est ouvert, le muscle bulbocaverneux sectionné sagittalement et l’urètre libéré des corps caverneux. La section urétrale s’effectue en aval de la section caverneuse pour assurer la qualité de l’uréthrostomie périnéale. La section caverneuse se fait en zone de sécurité après clampage (marge chirurgicale de 2 cm) et peut être contrôlée par examen extemporané. Leur désinsertion des branches ischio-pubiennes n’est pas toujours nécessaire. Un envahissement à ce niveau conduirait à discuter une résection osseuse associée [5]. Les corps caverneux sont refermés par des points séparés de fil résorbable 3/0. L’urètre est disséqué jusqu’à son passage à travers le diaphragme uro-génital pour éviter le risque de plicature lors de la confection de l’uréthrostomie périnéale.

L’ablation du corps de la verge nécessite un abord complémentaire sous pubien. Cette incision verticale contourne la racine de la verge et se prolonge avec la ligne médiane sous pubienne à l’extrémité supérieure du raphé médian scrotal. Le ligament suspenseur de la verge est sectionné. Les pédicules vasculaires dorsaux sont liés au fil résorbable puis sectionnés.

Pour la confection de l’uréthrostomie, une contre incision périnéale située à mi chemin entre la racine des bourses et l’anus emporte une pastille cutanée. L’urètre est spatulé sur 1 cm à sa face dorsale puis suturé sans tension à la peau de l’orifice périnéal par des points séparés de fil résorbable 4/0 sur une sonde vésicale 18 CH.

Les berges de la plaie scrotale sont suturées transversalement sur une lame de drainage ou sur des drains aspiratifs. La sonde urinaire est gardée quelques jours [1, 9].

c) Les exérèses élargies

L’extension scrotale justifie une émasculation. Le contrôle des cordons s’effectue par l’abord pré pubien [1]. Une chirurgie de reconstruction est indiquée en cas de défect pariétal important. La technique la plus appropriée est le lambeau de rotation myocutané prélevé à partir du fascia lata [12].

d) Abord pré-pubien isolé [5]

L’indication se limite aux indications fonctionnelles (verge résiduelle de moins de 3 cm si chirurgie partielle) en raison d’une exposition limitée des racines des corps caverneux.

La dissection caverneuse s’effectue par le seul abord pré pubien et scrotal après section du ligament suspenseur de la verge et une section entre ligatures des plexus veineux superficiel et profond. L’ouverture du fascia de Buck à la face ventrale de la verge permet un abord uréthral. L’urèthre est libéré de la gouttière caverneuse puis sectionné en zone saine. La longueur uréthrale restante doit permettre la réalisation d’une uréthrostomie périnéale sans traction. Les corps caverneux sont sectionnés après clampage à au moins 2 cm de la zone pathologique. Une analyse extemporanée des tranches de section est recommandée. Les principes de confection de la périnéostomie ainsi que la fermeture scrotale ont été décrits précédemment.

1 Cette technique exceptionnellement utilisée en France ne sera pas décrite ; les lecteurs intéressés trouveront l’ensemble des détails nécessaires à sa réalisation dans Mohs FE, Snow SN, Larson PO. Mohs micrographic surgery for penile tumors Urol Clin North Am. 1992;19:291-304.

Références

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2. FRIMBERGER D, HUNGERHUBER E, ZAAK D, WAIDELICH R, HOFSTETTER A, SCHNEEDE P. Penile carcinoma. Is Nd: YAG laser therapy enough? J Urol, 2002, 168: 2418- 2421

3. GAHURI RR, GUNTER AA, WEBER RA. Frozen section analysis in the management of skin cancers. Ann Plast Surg, 1999, 43, 156- 160

4. HINMAN F JR., Atlas of urologic surgery, second Edition, W.B. Saunders company, 167- 171, 1998

5. HINMAN F. Atlas of urologic surgery. W.B. Saunders company, Second Edition, 1998 : 150- 153.

6. HOFFMAN MA, RENSHAW AA, LOUGHLIN KR. Squamous cell carcinoma of the penis and microscopic pathologic margins: how much margin is needed for local cure? Cancer, 85(7): 1565-1568, 1999.

7. HORENBLAS S, VAN TINTEREN H, DELEMARRE JF, BOON TA, MOONEN LMF, LUSTIG V. Squamous cell carcinoma of the penis. II. Treatment of the primary tumor. J Urol, 147: 1533- 1538, 1992.

8. LEVINE FJ, KRANE RJ, Penile surgery: Anatomical Overview, in Surgical Management of Urologic Disease. An anatomic Approach, M. DK, Editor. 1992, Mosby Year Book: New York, New York. p. 869-884

9. MACHELE DONAT S., COZZI P.J., HERR H.W: Surgery of penile and urethral carcinoma.Campelle’s urology, 8th ed, PP2983- 2999, 2002.

10. MALLOY TR, WEIN AJ, CARPINIELLO VL. Carcinoma of penis treated with Neodymium YAG laser. Urology, 1988, 31: 26- 29

11. MOTTET M, AVANCES C, BASTIDE C, CULINE S, IBORA F, KOURI G, LESOURD A, MICHEL F, ROCHER L. cancer du testicule. Recommandations. progrès14. 4 (supl 1): 891-901. 2004

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13. SOLSONA E, ALGABA F, HORENBLAS S, PIZZOCARO G, WINDAHL T. EAU Guidelines on Penile Cancer. Eur Urol 46, 1-8, 2004.

14. TIETJEN DN, MALEK RS. Laser therapy of squamous cell dysplasia and carcinoma of the penis. Urology, 1998, 52: 559- 565.

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