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CHIRURGIE DES CANCERS DE LA VESSIE ET DES VOIES EXCRETRICES SUPERIEURES : Les dérivations urinaires incontinentes

Auteurs : Laurent GUY Référence : Prog Urol, 2005, 1085 Mots clés : Cancer, Chirurgie, Vessie

Les dérivations urinaires incontinentes sont de deux types :

• l’urétérostomie cutanée bilatérale

• l’urétérostomie cutanée trans-iléale

I. L’urétérostomie cutanée bilatérale

Ses indications sont devenues rares. Cette dérivation peut néanmoins être pratiquée chez des sujets très âgés et/ou porteurs de co-morbidités importantes. Son principal avantage, hormis la rapidité et la simplicité, est de rester en extra péritonéale, sans ouverture intestinale et d’être ainsi bien supportée par les patients, même en mauvais état général.

Elle nécessite le plus souvent un double appareillage avec à la fois des sondes d’urétérostomie qui devront être changés toutes les 6 à 8 semaines et également un système de poches collectrices. Rarement, en présence d’un uretère large, il sera possible de le suturer à la peau par des points éversants qui permettront parfois de ne pas avoir de sténoses de la bouche d’urétérostomie et de ne pas laisser de sonde en place.

Outre la difficulté d’appareillage et la nécessité de créer deux orifices, elle est également potentiellement plus facilement la source de complications infectieuses.

Le meilleur site d’implantation se situe au niveau du bord du muscle grand droit, au tiers interne de la ligne unissant ombilic et épine iliaque antéro-supérieure.

Sur le plan technique :

• les uretères disséqués seront sectionnés le plus bas possible pour permettre une anastomose cutanée sans traction.

• l’abouchement des l’uretères à la peau sera confectionnée en excisant une pastille cutanée, adaptée au calibre de l’uretère et mesurant au moins 1 cm de diamètre. Cet abouchement sera impérativement indépendant de la plaie opératoire, de façon à pouvoir appliquer l’appareillage adhésif de la future stomie.

• le trajet trans-pariétal doit être le plus direct possible, sans chicane.

II. L’urétérostomie cutanée trans-iléale

Décrite en 1950 par Bricker [1], elle est relativement simple et fiable. Elle consiste en la confection d’une trompe iléale de bonne qualité, les deux uretères étant anastomosé par implantation directe sur la face latérale du greffon.

1. La préparation du patient

Deux éléments sont importants :

• la préparation digestive : on se reportera au chapitre sur la cystectomie ; les procédures sont actuellement très allégées par rapport à il y a quelques années en arrière.

• le repérage du site de la stomie : si possible, en compagnie du ou de la stomathérapeute, repérage du site en position debout, couchée et assise en faisant attention au niveau de port de la ceinture. Le site de préférence se situe habituellement du coté droit à mi-distance de l’épine iliaque antéro-supérieure et de l’ombilic.

2. L’intervention

L’avant dernière anse grêle est repérée à environ 30 cm de la jonction iléo-coecale. Le greffon prélevé est d’une longueur de 10 à 25 cm en fonction de la morphologie du sujet et de l’épaisseur de la paroi abdominale, mais un segment d’iléon beaucoup plus court (mini-Bricker [2]) peut également être utilisé. Le méso est progressivement sectionné par plusieurs ligatures aux deux extrémités. Après isolement du greffon, le rétablissement de la continuité digestive est réalisé soit par une suture manuelle, soit par une suture à la pince mécanique. Le greffon est lavé avec de la bétadine diluée et son extrémité proximale est fermée soit manuellement, soit à la pince mécanique.

Les deux uretères ont été préalablement sectionnés et clipés. Une sonde urétérale de diamètre adapté au diamètre urétéral est mise en place dans chacun d’entre eux. Alors que du côté droit, le trajet de l’uretère jusqu’à l’anse est court, du côté gauche, il convient de faire passer l’uretère sous la racine du mésosigmoide en évitant de faire saigner une veine du méso ou d’entraîner un coude urétéral.

Les anastomoses urétéro-iléales seront effectuées par implantation directe, sur la face latérale du greffon en décalant les anastomoses l’une par rapport à l’autre. Après avoir réalisée une ouverture de l’anse sur 1 cm environ, l’uretère sera amené en regard. Il sera préparé en le recoupant obliquement avec au besoin un trait de refend pour augmenter la surface de l’anastomose. L’anastomose sera réalisée en points séparés avec un fil lentement résorbable. La technique de Wallace [3] peut également être utilisée ; elle permet de ne pratiquer qu’une seule anastomose urétéro-iléale en adossant les deux uretères. Dans tous les cas, les sondes seront extériorisées par le greffon intestinal et seront fixées sur le greffon avec un fil rapidement résorbable.

Le greffon sera ensuite extra-péritonisé. Cette extra-péritonisation n’est pas obligatoire ; elle consiste à mettre le greffon en sous-péritonéal en dehors du caecum. Le méso de l’iléon sera refermé. L’iléostomie sera réalisée en découpant une pastille de peau de 3 à 4 cm de diamètre à l’endroit préalablement repéré en pré-opératoire. Le tissu sous-cutané sera incisé au bistouri électrique jusqu’au niveau de l’aponévrose du grand oblique. Cette dernière sera incisée en croix et les plans musculaires seront traversés à l’aide d’une pince de Kocher. Le trajet trans-pariétal doit admettre le passage de deux doigts. L’anse sera passée à travers la paroi en utilisant une pince de Duval. Idéalement, l’anse extériorisée doit dépasser de 3 à 4 cm pour permettre le retournement en manchette de l’anse. L’anastomose sera effectuée en points séparés avec du fil lentement résorbable.

3. Cas particuliers

a) le patient obèse

Le site le plus adapté pour le positionnement de la poche doit être rigoureusement repéré. Le sujet devra éventuellement avoir porté une poche quelques jours avant l’intervention. En général, l’orifice de la stomie est situé plus haut qu’habituellement.

Le greffon prélevé doit être relativement plus long que chez le sujet maigre afin de pouvoir traverser sans traction la paroi abdominale.

b) le sujet âgé

L’intervention de Bricker est la dérivation la plus communément réalisée chez le sujet âgé, le risque d’incontinence après entéroplastie de substitution augmentant nettement avec l’âge, avec des chiffres atteignant 50 % après 70 ans [4].

c) l’irradiation vésicale ou pelvienne préalable

Afin de diminuer le risque de complication, l’utilisation du jéjunum pourra être préférée pour la confection du Bricker.

4. Les complications

Elles ont nettement diminué.

Le taux de mortalité dans une série française récente était de 6,9% [5]. Il était de 13,7% dans les années 80 6.

Les complications peuvent schématiquement être scindées en

  • Complications précoces consistant en :
    • des complications digestives (iléus, fistule et éviscération) (2% des cas)
    • des complications médicales (17%)
    • des complications urinaires (fistule) dans 3% des cas
  • Complications tardives consistant en :
    • des complications pariétales (18%) : hernie de la stomie, éventration, sténose du Bricker
    • des complications urologiques : sténose de l’anastomose urétéro-iléale, calcul urinaire, pyélonéphrite

Références

1. Bricker EM : Bladder substitution after pelvic evisceration. Surg Clin North Am, 1950, 30 :1511-1530.

2. Pfister C, Prapotnich D, Mombet A, Veillon B, Brisset JM, Vallancien G : Technique et resultants du “Mini-Bricker” dans la derivation des voies urinaires après cystectomie totale pour tumeur de vessie. Prog Urol, 1994, 4:953-958.

3. Wallace DM : Ureteric diversion using a conduit : a simplified technique. Br J Urol, 1966, 38 :522-527.

4. Figueroa AJ, Stein JP, Dickinson M, Skinner EC, Thangathurai D, Mikhail MS, Boyd SD, Liskovsky G, Skinner DG : Radical cystectomy for elderly patients with bladder carcinoma : an updated experience with 404 patients. Cancer, 1998, 83:141-147.

5. Hetet JF, Rigaud J, Karam G, Glemain P, Le Normand L, Bouchot O, Le Neel JC, Buzelin JM : Complications des urétérostomies cutanées trans-iléales selon Bricker. Analyse d’une série de 246 patients. Prog Urol, 2005, 15:23-29.

6. Sullivan JW, Grabstald H, Whitmore WF Jr : Complications of ureteroileal conduit with radical cystectomy : review of 336 cases. J Urol, 1980, 124:797-801.

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