Lâurétérorénoscopie souple (URSS) a bénéficié de nombreuses améliorations technologiques au cours des dernières années conduisant à un élargissement de ses indications [1]. Elle sâimpose désormais comme un pilier de la prise en charge diagnostique et thérapeutique des pathologies des voies excrétrices urinaires supérieures (VEUS) telles que la lithiase urinaire et les tumeurs urothéliales. LâURSS est reconnue comme une procédure chirurgicale sûre associée à un taux de succès élevé. Actuellement, elle sâorganise le plus souvent sous la forme dâune chirurgie ambulatoire.
La gestion du risque infectieux périopératoire en urologie est source de préoccupations quotidiennes. Lâexistence de polypathologies et lâémergence de bactéries multi-résistantes (BMR) complexifient lâévaluation du risque infectieux et les coûts pour la société [2]. Les recommandations établies par lâAssociation Française dâUrologie (AFU) permettent de guider les urologues dans la gestion de ce risque infectieux [3]. Néanmoins, comme lâa récemment souligné le Comité dâInfectiologie de lâAFU (CIAFU), plusieurs questions notamment sur les moyens de prévention du risque infectieux restent non élucidées [4]. Ainsi, la survenue dâune infection urinaire après URSS nâest pas exceptionnelle, lâincidence étant estimée autour de 6Â % [5].
Lâobjectif de cette étude était de rapporter les moyens de prévention du risque infectieux avant URSS et la prise en charge des infections urinaires postopératoires.
Une revue de la littérature a été réalisée sur la base de données PubMed en mai 2020 en utilisant les mots-clés «Â ureterosocopy », «Â flexible », «Â upper urinary tract infection » et «Â complication ». Nous rapportons également les résultats dâune évaluation rétrospective sur la gestion des ECBU avant URSS, réalisée dans le service dâurologie et de transplantation rénale à lâhôpital de la Conception entre janvier 2015 et mars 2019.
Lâobjectif était de rapporter les moyens de prévention du risque infectieux avant URSS et la prise en charge des complications infectieuses.
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Facteurs de risque dâinfection urinaire après URSS
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Une étude rétrospective incluant 604 URSS consécutives réalisées entre janvier 2015 et mars 2019 a été menée dans le service dâurologie de lâhôpital de la Conception à Marseille [5]. La prévention du risque infectieux périopératoire comprenait les mesures suivantes : gestion centralisée des ECBU préopératoires qui étaient analysées quotidiennement par un urologue junior, antibioprophylaxie selon les recommandations de la Société français dâanesthésie et de réanimation (SFAR) et de lâAFU, utilisation systématique dâune gaine dâaccès urétérale et limitation autant que possible de la durée opératoire à 60minutes. Une infection urinaire fébrile postopératoire était rapportée dans 41 cas, soit une incidence estimée à 6,7 %. En analyse multivariée, les facteurs de risques associés aux complications infectieuses étaient le sexe féminin (OR 2,20), un antécédent dâinfection urinaire dans les 6 mois précédent la chirurgie (OR 2,34), un ECBU préopératoire polymicrobien (OR 4,53) et la durée opératoire>1 heure (OR 1,02 par minute).
Divers autres facteurs ont été rapportés dans la littérature : score ASA>2, bactériurie et leucocyturie préopératoires, présence de matériel endo-urologique, calculs de struvite et dilatation chronique du haut appareil urinaire [6]. Cependant, lâhétérogénéité des indications, lâinclusion simultanée des urétéroscopies rigides et souples, lâutilisation aléatoire dâune gaine dâaccès urétérale et le manque de données sur la gestion préopératoire des ECBU dans ces études limitent la transposition de leurs résultats en pratique.
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Gestion périopératoire du risque infectieux
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Précédemment rapportés, le sexe féminin et un antécédent dâinfection urinaire sont des facteurs de risque non modifiables mais qui doivent inciter lâurologue à une plus grande prudence. La durée opératoire devrait être limitée à 60minutes. En cas de procédure excédant 1Â heure un drainage systématique des voies urinaires doit être réalisé.
Lâamélioration et lâuniformisation de notre gestion préopératoire des ECBU sont probablement lâune des meilleures pistes pour limiter le risque infectieux après URSS. Il est recommandé de réaliser un ECBU dans les 4 à 10jours précédant toute chirurgie de lâappareil urinaire [7]. En cas dâECBU préopératoire stérile, une antibioprophylaxie au bloc opératoire est recommandée par la SFAR et lâAFU : injection dâune dose unique de Céfazoline 2g IV lente et en cas dâallergie, Gentamicine 5mg/kg [8]. Une colonisation urinaire doit être traitée au moins 48 heures avant lâintervention. En lâabsence de données, il nâest pas recommandé de recontrôler lâECBU avant la chirurgie pour sâassurer de la stérilisation des urines. En présence dâune colonisation sur sonde, il est recommandé de débuter une antibiothérapie adaptée à lâantibiogramme au moins 48 heures avant lâintervention et de changer la sonde 24 heures après le début de lâantibiothérapie. En cas dâinfection ou de colonisation urinaire non traitée, la chirurgie doit être reportée. Si une antibiothérapie préopératoire est indiquée, celle-ci doit être poursuivie jusquâà ablation de la sonde ou au maximum 7jours [7]. Le choix de lâantibiothérapie est adapté aux données de lâantibiogramme. Il existe une corrélation inverse entre la résistance et la virulence dâun micro-organisme. Lâexistence dâune souche sauvage est donc faussement rassurante car plus à risque dâinfection urinaire fébrile postopératoire. La molécule choisie doit idéalement avoir une bonne diffusion urinaire et un spectre microbien étroit afin de limiter lâimpact sur le microbiote. En outre, les fluoroquinolones, bien quâayant de nombreux avantages, ne doivent jamais être prescrites en cas dâalternatives disponibles afin dâéviter lâémergence de mutants résistants dans un contexte mondial dâantibiorésistance croissante. En cas dâECBU préopératoire polymicrobien, les pratiques varient selon les centres en lâabsence de recommandations. Le CIAFU a récemment émis des propositions que nous résumons [4]. Le risque infectieux chez un patient non porteur de matériel avec un ECBU préopératoire polymicrobien semble faible. En lâabsence de leucocyturie et de situation clinique particulière, celui-ci peut être considéré comme stérile. En présence de matériel endo-urologique, la colonisation de celui-ci par le biofilm bactérien est évaluée entre 4 à 100 % selon la durée et le type de matériel. Dans cette situation, le risque dâinfection postopératoire en chirurgie endo-urologique chez un patient ayant du matériel est évalué entre 8 à 11 % selon le type dâintervention. Le changement du matériel endo-urologique associé au report de lâintervention est une option recommandée mais qui reste difficilement applicable en pratique du fait des perturbations importantes que cette attitude pourrait induire sur le programme opératoire. Une antibiothérapie probabiliste est probablement nécessaire mais aucune donnée probante ne permet de statuer sur la classe, la posologie et la durée de prescription de la molécule. La fosfomycine-trométamol pourrait être un bon compromis dans cette indication : bonne diffusion urinaire, faible impact sur le microbiote, large couverture des entérobactéries, bonne tolérance et facilité dâutilisation. De futures études prospectives devront évaluer cette molécule dans cette indication.
Une évaluation des pratiques professionnelles françaises par le CIAFU a rapporté que 83Â % des urologues interrogés pratiquent dans cette situation une antibioprophylaxie classique, 2Â % une antibioprophylaxie large spectre, 3Â % antibiothérapie large spectre, 9Â % un ECBU peropératoire et 4Â % réalisent une antibiothérapie probabiliste poursuivie jusquâà 7jours après lâintervention [9].
À ce jour, une large gamme dâURSS réutilisables est disponible. Cependant, plusieurs études récentes ont signalé certains inconvénients liés à lâutilisation dâun matériel réutilisable dont des cas dâinfections nosocomiales liés à un défaut de stérilisation des endoscopes. Récemment, Ofstead et al. ont examiné 16 urétéroscopes après stérilisation. Les tests ont détecté une contamination sur 100 % des urétéroscopes (existence dâhémoglobine, dâadénosine triphosphate et de protéines) et les cultures microbiennes étaient positives dans 2 des 16 échantillons prélevés sur les urétéroscopes [10]. Cependant lâimpact clinique lié à lâutilisation de ces urétéroscopes contaminés nâa pas été évalué dans cette étude. Pour remédier à ces inconvénients des matériaux réutilisables, lâadoption dâURSS à usage unique a été proposée. Cependant, nous manquons encore de recommandations officielles concernant leur utilisation, ainsi que de données cliniques qui indiquent un avantage substantiel de lâusage unique sur les matériaux réutilisables. Dans lâétude menée sur lâhôpital de la Conception, 186 URSS étaient réalisées avec un dispositif à usage unique (UscopePU3022â¢, Zhuhai Pusen Medical Technology Company Limited, China) [5]. Lâutilisation dâun matériel à usage unique dans notre centre nâétait pas un facteur protecteur du risque dâinfection urinaire en analyse multivariée. Ces résultats sont confortés par une étude clinique récente qui a évalué dans 389 procédures dâURSS lâefficacité dâune désinfection de haut niveau avec de lâacide peracétique [11]. Les cultures bacteriologiques dâurétéroscopes avant utilisation étaient positives dans 47 des 389 procédures (12,1 %). Aucun cas dâinfection des voies urinaires nâa été rapporté chez aucun des patients ayant subi une intervention chirurgicale avec un urétéroscope contaminé par un uropathogène.
Une méta-analyse incluant 500Â urétéroscopies a rapporté quâune dose unique dâantibioprophylaxie serait bénéfique pour réduire le taux de pyurie et bactériurie postopératoires [12]. Les résultats suggéraient également une réduction du taux dâinfection urinaire fébrile (RR 0,25) cependant, la différence nâétait pas statistiquement significative (p =0,08) car lâincidence des évènements infectieux était faible. Lâantibioprophylaxie doit être administrée avant lâintervention afin quâune concentration antibiotique suffisante soit atteinte au niveau du site opératoire au moment de lâincision. Lâefficacité de lâantibioprophylaxie diminue en effet rapidement si lâadministration est trop précoce (plus de deux heures avant lâincision) ou trop tardive (plus dâune heure après lâincision). Lâantibioprophylaxie doit donc être administrée 30minutes avant lâintervention [13]. Une antibiothérapie prescrite pour une colonisation urinaire préopératoire ne dispense pas systématiquement de la réalisation dâune antibioprophylaxie au bloc opératoire. La molécule choisit doit tenir compte de lâintervention et cibler les micro-organismes habituellement rencontrés dans ce type de chirurgie.
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Prise en charge dâune infection urinaire fébrile après URSS
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Une infection urinaire fébrile après URSS est une complication redoutée par les urologues et ce dâautant plus à lâère de la chirurgie ambulatoire. Le diagnostic doit être évoqué, en lâabsence dâautre cause identifiée, devant une fièvre, une hypothermie, une instabilité hémodynamique ou encore une confusion. Les symptômes du bas appareil urinaire sont des signes non spécifiques dans ce contexte en raison de la présence dâune sonde endo-urétérale. Chez un patient ayant un dispositif endo-urinaire et présentant des signes évocateurs dâinfection urinaire, une bactériurieâ¥105 UFC/mL avec au moins une espèce bactérienne à lâECBU permettent de confirmer une infection urinaire associée aux soins. La bandelette urinaire nâa pas sa place dans le diagnostic en raison du taux élevé de faux positifs dans cette indication.
La survenue dâune pyélonéphrite chez un patient ayant une sonde endo-urétérale est une situation fréquente mais dont la prise en charge est loin dâêtre univoque. Les recommandations SPILF-AFU de 2015 sur les infections associées aux soins préconisent le changement systématique de la sonde endo-urétérale entre 24h et 72h après lâinitiation dâun traitement antibiotique adapté et sous réserve dâune infection contrôlée [14]. La mise en route dâune antibiothérapie probabiliste immédiate est impérative lorsquâil existe un sepsis grave. Cette antibiothérapie doit être guidée par les résultats de lâECBU (examen direct), par la connaissance de lâécologie locale (prévalence des bactéries responsables et leur résistance aux antibiotiques) et par le patient lui-même (en particulier, existence dâune colonisation urinaire). Dans les infections parenchymateuses, lâantibiothérapie probabiliste doit être rapidement mise en route (dans les 12heures) [14]. En cas de dâinfection urinaire fébrile, lâantibiothérapie probabiliste peut être : pipéracilline+tazobactam (intérêt du spectre sur le Pseudomonas aeruginosa et entérocoque), ceftriaxone ou cefotaxime. En cas dâallergie aux bêtalactamines, il est recommandé dâutiliser les aminosides. En cas de facteurs de risque de bêtalactamase à spectre élargi (BLSE) (notamment colonisation connue, voyageur en contact avec le milieu de soin, antibiothérapie large spectre récent), un traitement par carbapénème est recommandé avec ajout dâun aminoside en cas de sepsis grave. Le recours aux carbapénèmes doit être réservé aux antécédents dâinfection ou de colonisation urinaire à BLSE dans les 6 mois. La durée du traitement recommandée est de 10jours [14]. De nouvelles recommandations nationales portant sur la prise en charge des infections urinaires chez les patients porteurs de sondes endo-urétérales sont en cours dâécriture et devraient permettre de fournir un référentiel pratique concernant la gestion de ces infections postopératoires.
La gestion périopératoire du risque infectieux de lâURSS est multimodale et implique une prise en charge multidisciplinaire. Lâantibioprophylaxie peropératoire, le dépistage dâune colonisation urinaire et la limitation des durées opératoires ont prouvé leur efficacité dans la réduction du risque infectieux. La survenue dâune infection urinaire fébrile après URSS est une complication rare mais potentiellement grave dont les signes précoces doivent être rapidement identifiés.
Points essentiels à retenir

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Lâincidence des infections urinaires fébriles après URSS serait approximativement de 6Â %.
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Les facteurs de risques associés aux complications infectieuses après URSS étaient le sexe féminin, un antécédent dâinfection urinaire dans les 6Â mois, un ECBU préopératoire polymicrobien et la durée opératoire.
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Le dépistage préopératoire et le traitement dâune éventuelle colonisation urinaire, le recours à une antibioprophylaxie, la limitation de la durée opératoire à 1Â heure sont des mesures efficaces dans la réduction du risque infectieux.
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Lâimplantation des dispositifs à usage unique (URSS à usage unique) permettrait théoriquement de réduire le risque dâinfection croisé mais son utilité nâa pas encore été rapportée.
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Déclaration de liens dâintérêts
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Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens dâintérêts.