Le curage ganglionnaire du cancer prostatique est indiqué lorsque le risque d'envahissement ganglionnaire et donc de maladie disséminée devient significatif. Le CCAFU recommande le curage si PSA supérieur ou égal à 10ng/ml et/ou Gleason supérieur ou égal à 7 [1Soulie M., Beuzeboc P., Cornud F., Eschwege P., Gaschignard N., Grosclaude P., et al. Recommandations 2007 en onco-urologie – Cancer de la prostate Prog Urol 2007 ; 17 : 1159-1230
Cliquez ici pour aller à la section Références] ; ces normes pouvant être modulées selon les tables de Partin [2Partin A.W., Kattan M.W., Subong E.N., Walsh P.C., Wojno K.J., Oesterling J.E., et al. Combination of prostate-specific antigen, clinical stage, and Gleason score to predict pathological stage of localized prostate cancer. A multi-institutional update JAMA 1997 ; 277 : 1445-1451 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références].
À ce jour, il s'agit de la technique de référence [1Soulie M., Beuzeboc P., Cornud F., Eschwege P., Gaschignard N., Grosclaude P., et al. Recommandations 2007 en onco-urologie – Cancer de la prostate Prog Urol 2007 ; 17 : 1159-1230
Cliquez ici pour aller à la section Références, 3Briganti A., Blute M.L., Eastham J.H., Graefen M., Heidenreich A., Karnes J.R., et al. Pelvic lymph node dissection in prostate cancer Eur Urol 2009 ; 55 : 1251-1265 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références] pour évaluer l'extension ganglionnaire car le scanner a une sensibilité de 35 % en raison de la non détection des adénopathies infracentimétriques [4Wolf J.S., Cher M., Dall'era M., Presti J.C., Hricak H., Carroll P.R. The use and accuracy of cross-sectional imaging and fine needle aspiration cytology for detection of pelvic lymph node metastases before radical prostatectomy J Urol 1995 ; 153 : 993-999 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. L'IRM conventionnelle, dans ce but, n'a pas d'avantage sur le scanner [5Katz S., Rosen M. MR imaging and MR spectroscopy in prostate cancer management Radiol Clin North Am 2006 ; 44 : 723-734viii.
[cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références].
Trois curages peuvent être pratiqués : le curage limité (lame ganglionnaire iliaque externe), le curage modifié (lame iliaque interne en plus) et le curage étendu (lame présacrée en plus) [6Delmas V., Durand X., Boccon-Gibod L. Bases anatomiques du curage lymphonodal dans le cancer de la prostate Prog Urol 2004 ; 14 : 252-254
Cliquez ici pour aller à la section Références]. Plus le curage est étendu, meilleur est le taux de détection des métastases ganglionnaires [7Heidenreich A., Varga Z., Von Knobloch R. Extended pelvic lymphadenectomy in patients undergoing radical prostatectomy: high incidence of lymph node metastasis J Urol 2002 ; 167 : 1681-1686 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références] mais plus important est le taux de complications [8Briganti A., Chun F.K., Salonia A., Suardi N., Gallina A., Da Pozzo L.F., et al. Complications and other surgical outcomes associated with extended pelvic lymphadenectomy in men with localized prostate cancer Eur Urol 2006 ; 50 : 1006-1013 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références].
Le but du curage, quelle que soit la technique, est de prélever un maximum de ganglions en pelant les vaisseaux. Deux techniques d'abords peuvent être utilisées : la laparoscopie (intra- ou extrapéritonéale) et la laparotomie qui est la voie « historique ». Le curage cœlioscopique a été rapporté dans une étude française en 1993 [9Villers A., Abecassis R., Baron J.C., Vannier J.L., Anidjar M., Delmas V., et al. Curage cœlioscopique extrapéritonéale avec insufflation pour l'évaluation des cancers de vessie et de prostate Prog Urol 1992 ; 2 : 892-900
Cliquez ici pour aller à la section Références]. En 1993 Steiner et Marshall [10Steiner M.S., Marshall F.F. Mini-laparotomy staging pelvic lymphadenectomy (minilap). Alternative to standard and laparoscopic pelvic lymphadenectomy Urology 1993 ; 41 : 201-206 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références] ont décrit la minilaparotomie consistant en une incision médiane sus-pubienne de 6cm. Après incision de la ligne blanche, le décollement de l'espace de Retzius au tampon-monté permet un accès rapide aux vaisseaux iliaques. Les ganglions sont prélevés en pelant la veine iliaque externe et en clipant au maximum les vaisseaux sanguins et lymphatiques se présentant. Il s'agit en fait d'une reprise de la technique décrite en 1988 par Giraud et al. et Francannet et al. [11Giraud B., Dauplat J., Boiteux J.P., Francannet P. Lymphadenoscopie pelvienne Chirurgie 1987 ; 113 : 495-498
Cliquez ici pour aller à la section Références, 12Francannet P., Boiteux J.P., Beretvas M., Giraud B. Technique et résultats du curage ganglionnaire par lymphadenoscopie pelvienne Ann Urol (Paris) 1988 ; 22 : 369-372
Cliquez ici pour aller à la section Références] et qui fait usage d'un spéculum comme écarteur. C'est cette technique que nous avons utilisée en tant que minilaparotomie.
Le but de cette étude, a été de comparer rétrospectivement la minilaparotomie avec les curages cœlioscopiques intra- et extrapéritonéaux en termes de ganglions analysés, de complications et de durée de séjour.
Nous avons procédé à une étude rétrospective de l'ensemble des dossiers des curages ganglionnaires sous-veineux ilio-obturateurs de patients porteurs d'un cancer prostatique et réalisés dans le service d'urologie du CHU de Poitiers entre janvier 1992 et avril 2006.
Nous avons récupéré les données à partir des comptes-rendus opératoires (et des dossiers anesthésiques pour le poids, la taille, la durée opératoire).
Nous avons ainsi analysé 147 dossiers de curages dont 34 curages (23 % des patients) par mini-laparotomie-spéculum (S), 39 (27 % des patients) cœlioscopiques transpéritonéaux (T) et 74 (soit 50 % des patients) cœlioscopiques prépéritonéaux (P). Les caractéristiques de chaque groupe sont résumées dans le Tableau 1. Il n'y avait aucune différence statistiquement significative entre les trois groupes concernant l'âge (p >0,4), le PSA au diagnostic (p >0,15) et l'indice de masse corporelle (IMC) (p >0,2).
Par ailleurs, tous les patients ont eu une biopsie des vésicules séminales (une carotte dans chaque vésicule séminale) dans le même temps opératoire.
Soixante-douze patients avaient un adénocarcinome prostatique avec score de Gleason inférieur ou égal à 6, 48 patients présentaient un score de Gleason égal à 7 et 24 un score de Gleason supérieur ou égal à 8. Dans un cas, l'anatomopathologiste n'avait pas rendu le score de Gleason. La répartition des différents stades au diagnostic est décrite dans la Figure 1.
Figure 1.
Répartition des stades au diagnostic.
Les indications du curage ont suivi les diverses recommandations du CCAFU sur la période considéré (cf. supra). Il s'agissait donc majoritairement des patients à risque intermédiaire et élevé. Cependant, en raison d'un protocole local certains patients traités par curiethérapie et radiothérapie ont eu un curage alors qu'ils étaient dans le groupe de faible risque.
Quelle que soit la technique, les interventions se sont déroulées sous anesthésies générales, en décubitus dorsal.
Nous avons suivi la description princeps de Steiner à l'exclusion de la méthode d'écartement : nous avons remplacé l'écarteur orthostatique par un spéculum bivalve de 5cm de largeur.
Les techniques utilisées étaient conformes aux descriptions habituelles avec pression d'insufflation à 12mmHg, utilisation des ciseaux monopolaires et de la pince de coagulation bipolaire. L'usage des clips était également systématique.
Il n'y a eu aucune modification de cette voie en rapport avec les antécédents chirurgicaux des patients ni en pré- ni en peropératoire.
La technique de minilaparotomie par spéculum a été faite par un seul opérateur (BD). Les interventions cœlioscopiques ont été réalisées par différents opérateurs expérimentés (JI, CP) ou CCA (BL, FO) mais chaque opérateur a toujours réalisé l'intervention selon sa voie d'abord préférentielle.
Les données ont été consignées dans un fichier Excel® et les statistiques ont été faites à l'aide du logiciel Statview®.
Comme indiqué dans le Tableau 2, la durée opératoire moyenne a été significativement différente dans les trois groupes avec des moyennes allant de 35 à 110minutes.
Vingt-huit patients (19 %) ont eu une complication. Aucun patient n'a eu plus d'une complication à la fois et nous n'avons pas mis en évidence de différence statistiquement significative selon les groupes. Les complications sont résumées dans le Tableau 3. Le nombre moyen de drain de Redon par patient était statistiquement différent dans les trois groupes.
Le nombre moyen de ganglions prélevés était non significativement différents selon la technique. De plus, sept patients (4,8 %) ont présenté un curage positif. Dans ces cas le curage retrouvait trois ganglions envahis en moyenne (extrêmes : un à 11).
Enfin, la durée moyenne de séjour (quatre jours en moyenne) n'était pas différente selon la technique.
Concernant la minilaparotomie, notre temps moyen opératoire a été comparable aux données de Perrotti [13Perrotti M., Gentle D.L., Barada J.H., Wilbur H.J., Kaufman R.P. Mini-laparotomy pelvic lymph node dissection minimizes morbidity, hospitalization and cost of pelvic lymph node dissection J Urol 1996 ; 155 : 986-988 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références] (90mn) et de Steiner et Marshall [10Steiner M.S., Marshall F.F. Mini-laparotomy staging pelvic lymphadenectomy (minilap). Alternative to standard and laparoscopic pelvic lymphadenectomy Urology 1993 ; 41 : 201-206 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références] (32mn). Le temps d'exposition du patient aux gaz anesthésique a ainsi été réduit et le rendement d'utilisation de la salle opératoire s'en est trouvé amélioré. Le matériel utilisé pour la minilaparotomie a également été limité à une boite de base avec un spéculum. Notre étude n'avait pas comme objectif de comparer les coûts mais nous constatons un usage moindre de matériel pour une même durée de séjour moyenne (quatre jours) et un taux de complications identique dans les trois groupes. Idom et Steiner [14Idom C.B., Steiner M.S. Minilaparotomy staging pelvic lymphadenectomy follow-up: a safe alternative to standard and laparoscopic pelvic lymphadenectomy World J Urol 1998 ; 16 : 396-399
Cliquez ici pour aller à la section Références] retrouvaient en 1998 une différence de coût total (hospitalisation plus intervention plus éventuelle réhospitalisation) de 1,900$ en faveur de la minilaparotomie. Nos résultats sont également en accord avec ceux de l'étude de Herrell et al. [15Herrell S.D., Trachtenberg J., Theodorescu D. Staging pelvic lymphadenectomy for localized carcinoma of the prostate: a comparison of 3 surgical techniques J Urol 1997 ; 157 : 1337-1339 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références] ayant comparé sur 68 patients de stade T3 les curages par laparotomie, minilaparotomie et cœlioscopiques. Ces auteurs avaient montré la même efficacité entre les trois techniques avec coût et durée d'hospitalisation moindres pour la minilaparotomie.
Sur le plan esthétique, nous pensons qu'il n'y a pas de différence entre quatre incisions de cœlioscopie et une incision médiane de 5cm pour laquelle un surjet intradermique peut parfaitement être pratiqué. Par ailleurs, l'absence d'orifice de drain de Redon est également à noter dans notre pratique.
Concernant les antécédents, ils n'ont pas été relevés systématiquement pour cette étude car chaque opérateur pratiquait toujours la même technique indépendamment des caractéristiques du patient et aucune conversion cœlioscopique en voie ouverte n'a été nécessaire. Cependant dans notre série, chez un patient l'intervention (cœlioscopie) n'a pu être menée à son terme du fait d'un antécédent de chirurgie de la vessie.
Dans notre série les trois principales complications en fréquence ont été la fièvre (7,48 %), l'infection (4,76 %) et la lymphocèle (3,7 %).
Nous avons classé séparément les items « Fièvre » et « Infection » car nous avons constaté chez 11 patients, des épisodes fébriles de 24heures maximum avec ECBU négatifs et disparaissant spontanément sans traitement antibiotique. Nous n'avons donc pas considéré qu'il s'agissait d'épisodes infectieux. Ces fièvres fugaces étaient plus fréquentes dans le groupe minilaparotomie et cela avec une différence significative par rapports aux groupes cœlioscopie. Ces épisodes de fièvre ne sont pas particulièrement rapportés dans la littérature et nous ont semblé favorisés par l'absence de drainage postopératoire dans cette technique.
Concernant les infections, leur fréquence et type ont été comparables aux séries publiées. Le détail est présenté dans le Tableau 3. Nous n'avons pas relevé de différence entre la cœlioscopie et la minilaparotomie.
Concernant les lymphocèles, le taux mis en évidence (3,7 %) dans cette étude a été plus faible que dans les séries publiées qui est proche de 30 % [16Freid R.M., Siegel D., Smith A.D., Weiss G.H. Lymphoceles after laparoscopic pelvic node dissection Urology 1998 ; 51 : 131-134 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références, 17Sun G.H., Fu Y.T., Wu C.J., Chang S.Y. Povidone-iodine instillation for management of pelvic lymphocele after pelvic lymphadenectomy for staging prostate cancer Arch Androl 2003 ; 49 : 463-466 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références, 18Solberg A., Angelsen A., Bergan U., Haugen O.A., Viset T., Klepp O. Frequency of lymphoceles after open and laparoscopic pelvic lymph node dissection in patients with prostate cancer Scand J Urol Nephrol 2003 ; 37 : 218-221 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. Ces lymphocèles nécessitent rarement une réintervention chirurgicale (un cas dans notre série). La répartition des cinq cas observés est trois cas après voie cœlioscopique extrapéritonéale, et un cas pour chacune des deux autres voies. L'absence de drainage dans la voie par minilaparotomie peut constituer un biais de mesure. Cependant, aucun patient revu dans ce groupe à un mois n'a présenté de symptôme pouvant faire évoquer une lymphocèle qui par définition aurait alors été asymptomatique et ne relevant d'aucun traitement particulier.
Dans cette étude nous avons comparé exclusivement des curages limités car il s'agissait de la pratique jusqu'à l'éclosion du débat sur le curage étendu. Que le curage soit limité ou standard, la technique varie peu et les différences attendues sont sans doute minimes. Mais nous ne pouvons pas extrapoler des comparaisons concernant le curage étendu, qui reste d'ailleurs fortement débattu. Nous pensons que lorsque le curage étendu n'est pas le curage retenu, qu'il est autant légitime de proposer une minilaparotomie qu'une cœlioscopie. Sans réduire les intérêts de la cœlioscopie, nous pensons que la minilaparotomie offre une courbe d'apprentissage rapide et probablement un moindre coût global.
Dans cette étude rétrospective, nous n'avons pas mis en évidence de différence statistiquement significative entre la technique ouverte et la cœlioscopie sur les points les plus importants du curage ilio-obturateur pour cancer de prostate : nombre de ganglions, morbidité. Nous pensons que ces différentes techniques, en dehors du curage étendu, peuvent être proposées indifféremment selon les préférences de chaque opérateur.
Les auteurs n'ont pas transmis de conflit d'intérêt.